“Engra”, entre sexisme et réalisme haïtien !
(TripFoumi Enfo) – Le duo K-dilak et Bedjine a encore frappé. “Engra”, voilà le nouveau morceau que les deux artistes mettent en rotation. Ça parle d’amour désenchanté. Ça fustige. Et ça sent la colère qui caresse le sexisme contre le mâle, pour certains, et le réalisme haïtien, pour d’autres.
Au début de la vidéo du tube, on peut voir un K-dilak dans la peau d’un chauffeur de taxi-automobile. Ses yeux tombés sur une belle passagère en quête d’un taxi, il s’est soudainement empressé de l’inviter à monter à bord du sien.
Le jeune chauffeur, en couple avec une jeune femme répondant au nom de Bedjine, au premier regard, aurait déjà envie de nager dans les eaux de l’infidélité. L’homme laisse luire ses dents de marbre dans le grand jour, signe de joie.
La passagère, une fois à l’intérieur, et son conducteur, lui aussi, se sont regardés tendrement et, à la suite de quoi, se sont félicités l’un l’autre pour leur beauté. La fille avoue avoir faim et, partant, demande au jeune homme de l’emmener dans un Restaurant de la place avant même de la conduire chez elle. Ce qui a été fait.
Là, commence une belle et grande histoire entre les deux à peine rencontrés. Ayant soupçonné K-dilak de tromperie, Bedjine, sa vraie copine, éclate de colère et lui rappelle tout ce qu’ils ont vécu ensemble, qui mieux est, tous les sacrifices consentis par eux pour cette relation. “Gad jan gason engra, statue la voix de “Kita Nago”.
Si l’auteur de “M p ap pran sa nan men w” admet avoir commis beaucoup d’erreurs dans la relation, Bedjine persiste et signe : “Aprè tout kafou nou janbe, aprè tout mizè nou pase, gad jan gason engra “!
En dépit du fait que ce nouveau son soit apprécié de bon nombre de gens, cela n’empêche pas qu’il soit taxé de sexisme par les esprits les plus avisés. A contrario, d’autres intelligences y voient un certain réalisme existant dans les couples haitiens.
C’est ainsi que Roselore Léonel, étudiante à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH) a apprécié “Engra” sous l’angle d’une description de ce qui est comme élément factuel dans les couples haïtiens. “A mon avis, cette chanson n’est aucunement teintée de sexisme. Elle traduit fidèlement une réalité haïtienne”, comprend-elle.
Rishtiadson Louis-Juste et Miss Sophie, fille de 20 ans, respectivement étudiant à la FASCH et étudiante à l’Université Métropolitaine de Port-au-Prince, abondent dans le même sens qu’avec Roselore. “Ce morceau de Bedjine et de K-dilak ne fait que décrire le réel”, se positionnent tous les deux.
Toutefois, cette position ne fait pas l’unanimité. En effet, pour Dominique St-Vil, homme transgenre et activiste des droits LGBTI en Haïti, “Engra” frôle carrément le sexisme. “Ingratitude ne dépend ni de garçon ni de fille. Tout individu peut être non reconnaissant indépendamment de son sexe et de son genre”, affirme celui qui est également responsable de l’Organisation Trans d’Haïti (OTRAH).
“Cette toune se révèle sexiste dans la mesure où elle ne s’attaque qu’aux garçons”, estime-t-il. De son avis, cela devrait être normal qu’un homme ou une femme, sans peur d’être jugé(e) par qui que ce soit, brûle envie de se trouver dans les bras d’un homme ou d’une femme vivant en terre étrangère.
S’il est vrai que peu de gens abordent des questions relatives à la teneur des productions musicales des groupes et artistes haïtiens, toutefois certaines chansons, même si aimées du public haïtien, méritent d’être analysées avec minutie, d’autant plus si elles traitent un sujet qui fâche.