Mikaben, énigmartiste!
(TripFoumi Célébrité) – Ce n’est ni en mai ni en juin, des mois réputés maudits pour la musique haïtienne, que les mélomanes, en général, et les fans de Mika, en particulier, ont été le plus choqués, cette année. À rappeler que les mois sus-cités ont vu partir des artistes légendaires comme Nemours Jean Baptiste, Ti Manno, Master Dji, G-bobby, Dade, K-Tafalk… Cette fois-ci, c’est en plein octobre, le week-end précédant la commémoration de la mort du père-fondateur de la nation, Jean-Jacques Dessalines ! Oui, ce samedi 15 octobre 2022 (pour Haïti), l’artiste Michaël Benjamin dit Mikaben nous a quittés de façon surprenante, sans crier gare, à l’image de son parcours musical énigmatique.
Mikaben était sur scène à l’Accor Arena, anciennement Paris-Bercy, en France. Après avoir disparu de la scène musicale en 2016, pour le plaisir des mélomanes, en décembre 2020, près de cinq ans plus tard, la formation musicale Carimi a annoncé un grand retour en concert à Paris, en octobre 2021, pour marquer leur 20e anniversaire. Cette annonce avait non seulement été bien accueillie par les mordus de Carimi mais aussi par bon nombre de musiciens dont Mikaben qui évoluait quasiment comme un membre du groupe né du trio Carlo Vieux, Richard Cavé, et Michael Guirand au début des années 2000 à New York, aux États-Unis.
Après deux reports de cette soirée spéciale pour des raisons liées aux restrictions engendrées par la pandémie Covid-19, en France, la date tant attendue était finalement arrivée. C’était un Accor Arena rempli comme un œuf, où une ambiance de fou et euphorique régnait dès la montée sur le podium des musiciens de Carimi. Vers les 23 heures, en France, est arrivé le moment pour le chanteur Mikaben, artiste invité, de faire son apparition sur la scène, et effectivement l’artiste a fait son intervention pour une prestation à la hauteur de l’événement. Après avoir électrisé la foule, en quittant la scène, pour que les musiciens de Carimi poursuive leur soirée historique, l’artiste s’est écroulé sur la scène pour ne plus revenir. Il a fait le grand voyage éternel à la suite d’un arrêt cardiaque.
Depuis l’annonce de sa mort, le pays tout entier est plongé dans la tristesse. C’est la désolation totale. Les messages de solidarité pleuvent sur tous les murs, sur les réseaux sociaux. Pas seulement le secteur musical, des personnes évoluant dans toutes les sphères vitales du pays sont visiblement affligées. La nouvelle ? Des médias locaux et internationaux en parlent ! Tout le monde est choqué !
La rédaction de TripFoumi Célébrité honore le passage remarquable de cette désormais, qu’on se le dise, légende de la musique haïtienne en vous retraçant son parcours dès ses premiers pas dans la musique jusqu’à ce samedi 15 octobre 2022, jour ô combien macabre !
Fils de Lionel Benjamin, biologiste, professeur à l’Université et musicien dans l’âme, plus de 50 ans de carrière, Michaël Benjamin est né le 27 juin 1981. Suivant les traces de son père, Mikaben s’est lancé dans la musique dès son plus jeune âge. À la fin des années 1990, accompagné de sa petite sœur, Mélodie Benjamin, Mika a fait son entrée de manière magistrale sur l’échiquier musical via le très populaire concours de chant de Noël de Télémax avec le titre « Nwèl Tristès », une chanson qui est devenue un classique dans la musique haïtienne dans sa catégorie. Depuis lors, on a vu en lui une grande étoile en devenir dans la sphère culturelle haïtienne, ce qu’il a confirmé peu de temps après.
« Enfant, je n’ai pas eu à penser à faire de la musique. Celle-ci m’a rejoint automatiquement, grâce à mon père, qui m’a beaucoup influencé », a révélé Mika dans une interview accordée à Ticket Magazine, à l’occasion de ses 20 ans de carrière en 2020. « De fait, des trois enfants de la famille, j’étais le plus curieux quand il s’agissait de musique, sans toutefois penser à une carrière », a-t-il poursuivi. « Jusqu’à mes 16 ans, où j’ai composé « Forever mine », qui figure sur mon premier album. Encouragé par ma famille qui était très étonnée à l’époque, s’en sont suivies des chansons comme « Ou pati » et « Nwèl Tristès ». C’est à partir de ce moment que j’ai finalement saisi que j’avais bien le talent et que j’aurais dû continuer à l’explorer. C’est à partir de cet instant que j’ai commencé à me projeter vers l’avenir. Je me voyais déjà dans 10 ou 20 ans dans la peau d’une superstar ».
En 2000, âgé seulement de 19 ans, le très jeune artiste a sorti son premier album intitulé « Vwayaj ». Avec cet opus, la voix de « Up Side Down » s’est imposé sur la scène musicale haïtienne, notamment avec l’adaptation en version « Twoubadou » de la chanson « Ou Pati » dans le projet musical « Ayiti Twoubadou » de Fabrice Rouzier et de Clément « Kéké » Bélizaire, membres-fondateurs du groupe Mizik Mizik. La reprise de « Ou Pati » a cartonné dans toutes les stations de radio à Port-au-Prince et dans les villes de province. Ce grand succès a fait de Mikaben une figure incontournable de la jeunesse à l’époque, ce qui lui valait des collaborations avec de jeunes formations musicales congénères, voire le groupe musical T-Vice.
Passant d’un artiste populaire qui évoluait en solo à un chanteur principal au sein d’un groupe Compas, Mikaben assurait tout naturellement. Il commençait à faire parler de sa polyvalence dans la musique. En effet, en 2005, après la disparition de Kompa Kreyòl, la bande à TJo Zenny et David Dupoux, deux nouveaux groupes musicaux ont vu le jour, à savoir Kreyòl La et Krezi Mizik. De cette explosion, les mélomanes haïtiens ont eu l’opportunité de voir Mika évoluer en étant chanteur « lead » au sein de Krezi Mizik. Grâce à cette expérience, le fils de Lionel Benjamin a eu la chance d’interpréter des chansons carnavalesques à succès de 2006 à 2009. Durant cette période, il a aussi interprété « Ayiti San Manti », le premier opus de Krezi Mizik. Cette expérience reste dans les annales de la musique haïtienne.
Contre toute attente, en 2009, Mikaben a quitté la formation musicale Krezi Mizik pour faire de nouvelles expériences musicales. De là, il s’est réinventé en rappeur et flirte avec d’autres styles musicaux, il interprétait des morceaux en anglais… Il visait tout simplement le marché international. Après plusieurs années dans cette aventure en solo où l’artiste a travaillé sur plusieurs projets musicaux, il a aussi donné son coup de pouce à une pléiade d’artistes et formations musicales dont Carimi et T-Vice. Mikaben a co-fondé le groupe du genre compas Kon-Beat avec son compère Olivier Duret. N’ayant pas connu long feu, la voix de « Ayiti se » a dû poursuivre sa carrière en solo. C’est une époque au cours de laquelle il a gratifié les mélomanes de son dernier album. Pendant cette période, il a aussi collaboré avec le groupe Kaï, après la disparition du groupe Carimi.
Mikaben, un artiste versatile
Dans l’histoire de la musique mondiale, il serait vraiment difficile de trouver un artiste, comme Mika, qui a autant de cordes à son arc. Il peut facilement poser sa voix sur des chansons à base instrumentale Compas, Dancehall, RnB, Reggae, Rasin, Afrobeatz, World Beat… Il fait partie d’un cercle très fermé de chanteurs haïtiens qui n’ont pas besoin d’un parolier ou encore d’un producteur pour exister et briller. On peut dire qu’il était un artiste complet. Il chante, écrit, produit, danse… Durant sa carrière, il a pu évoluer en tant que chanteur et rappeur, compositeur, arrangeur.
Sa discographie
Mikaben vient de faire le grand voyage éternel, ce samedi 15 octobre 2022, sur scène, à Paris, après 21 ans sans relâche dans le milieu musical. Cette aventure a accouché 4 albums et une mixtape en solo : « Vwayaj », « Mika », « Atis Lokal p ap janm lage » et « MKBN » ; et d’un album : « Ayiti san manti » avec Krezi Mizik. Mikaben a aussi sa touche dans des projets musicaux de nombreux groupes et artistes dans l’industrie musicale haïtienne. L’artiste a confirmé avoir composé plus de cent cinquante morceaux. Il s’en est allé en laissant de nombreux projets en studio dont un morceau en collaboration avec Jean Hérard Richard dit Richie, directeur musical du groupe musical Klass. Ce dernier a dévoilé la nouvelle, ce samedi, en pleurant la nouvelle de la mort de l’interprète du tube « Ou Pati ».
Des concerts de rêve
Dès ses premiers pas dans le monde musical, Mikaben fréquentait de grands espaces. Avec le projet « Ayiti Twoubadou », il s’est produit en spectacle devant 25 000 personnes au stade d’Honneur de Dillon, en Martinique, et de dizaines de milliers à Miami. Avec Carimi, l’artiste s’est également produit dans de grandes salles en France, comme Zénith, Olympia et Accor Arena, là où il s’est éteint, ce 15 octobre 2022.
Marié 2 ans de cela, Mikaben laisse derrière lui sa femme surnommée Vanou, enceinte, et 3 enfants dont un adolescent né bien avant son dernier mariage.
Décédé ce 15 octobre des suites d’un arrêt cardiaque, pas uniquement la musique haïtienne, le monde musical vient de perdre l’un des musiciens les plus talentueux de toute l’histoire de la musique. Hormis sa capacité à chanter dans quasiment tous les genres musicaux, gand parolier et producteur, comme multi-instrumentiste, Mikaben peut jouer la guitare électrique et acoustique, la guitare basse, le piano, également les instruments à percussion. Il était un véritable touche-à-tout !
La vie n’a jamais été un voyage facile, mais quand quelqu’un arrive à le boucler (le voyage) avec autant de prouesses, on ne peut que s’incliner devant sa mémoire. Mika avait de la magie sur tous les contours de son être, et il nous l’a (la magie) fait vivre avec lui. Un beau partage.
Un Mapou s’est éteint, laissant derrière des familles, des artistes, des journalistes, des mélomanes, des enfants… en larmes !
Adieu Mika !